Mais il n'y a pas de raison qu'elle reste dans un coin de mon ordi, alors la voilà!
✨✨✨✨✨✨✨✨✨✨
L’impact des gouttes sur le métal me fait frissonner. Cette femme a été
battue tellement fort que son sang a été projeté jusqu'à la joli lampe design
dans un coin de la pièce. "Un couple sans histoire, des piliers de la
communauté", les voisins sont sous le choc.
Chaque jour, derrière cette façade de perfection se jouait un drame.
Madame racontait qu'elle s'était cognée ou qu'elle était tombée. Elle insistait
sur son côté Pierre Richard comme elle disait. La femme de ménage, Madame
Martin commençait à se douter de quelque chose.
— Madame
tombait de plus en plus souvent. Alors on se disait qu'elle était malade. Vous
savez j'ai entendu à la télé que quand on a des problèmes à l'oreille interne
et ben on tombe. Roh la la, pauvre Madame. Elle était si gentille. Et puis
Monsieur aussi. Ah oui, c'était pas des marrants c'est sûr. Elle toujours à ses
bonnes œuvres. Et lui, le travail, le travail, le travail. Et puis Monsieur était tellement prévenant, tellement
gentil avec elle. Chaque soir, il revenait du travail avec une baguette de pain
et deux pâtisseries. Madame n'en mangeait presque pas alors elle me donnait sa
part. Et moi j'étais fière de ramener ça à la maison.
Madame Martin étouffe un sanglot.
Je regarde la forme au sol recouverte de la housse mortuaire. Ce tout
petit corps que j'ai vu quelques instants. Je regarde les photos dans le petit
salon cossu. Un couple normal de la bonne société. Une femme à l'air si doux et
un homme à l'air tellement sérieux. Un cas classique de violence conjugale. Tout
le monde tombe des nues et on se rend compte que ça dure depuis des années.
Je repense au visage de cette femme et à son corps désarticulé sur le
sol. Son visage défiguré par les coups, le sang le long de son nez, mêlé aux
larmes et à la morve, son tailleur de grande marque déchiré et sanguinolent.
Je revois cet homme partir les menottes aux poignets, couvert de sang, ne
pouvant détacher son regard de sa femme. Ce visage totalement ravagé par les
larmes et le désespoir. Cette voix forte que j'ai si souvent entendue se
réduire à la voix fluette d'un petit garçon.
— C'est
pas moi, je vous jure, je l'ai trouvée comme ça. J'ai rien fait, c'est pas moi.
Et ouais mon gars, c'était la fois de trop. Tu l'as bien tapée ta femme
et là, elle est morte. Ce soir, Monsieur le Maire a tué Madame.
Soudain Madame Martin relève la tête et s'essuie les yeux avec son
mouchoir.
— Il
est où Christophe? Oh mon dieu, j'espère qu'il n'a pas vu sa mère comme ça.
— Christophe? C'est qui ça?
René, mon collègue a envie de partir, ça se sent. Il est déjà près de
la porte, prêt à rentrer chez lui. A quelques mois de la retraite, il n'a plus
envie de s'embêter. Une affaire facile, un coupable tout désigné et hop, on a
plus que la paperasse à régler et on sera tranquilles. Alors je sens bien qu'il
ne voit pas d'un très bon œil l'arrivée d'un nouveau protagoniste dans cette histoire.
— Christophe, c'est le fils de Monsieur et Madame. Il est un peu simplet. Enfin...
Vous voyez quoi. Il a pas la lumière à tous les étages. Il passe ses journées
avec Madame et parfois je reste avec lui quand elle sort. Il est gentil, c'est
un bon gamin mais il faut savoir le prendre. Il a le QI d'un gamin de 5 ans
alors il faut être doux avec lui. Je ne sais pas ce qu'il va devenir si
Monsieur va en prison.
René s'énerve. C'est pas maintenant qu'il va rentrer, il le sent. Même
si je débute et qu'il est un vieux briscard, on a quelque chose en commun qui
fait de nous de bons flics : l'instinct. Et notre instinct nous dit que
l'histoire ne sera pas si simple. On demande à quelques hommes de fouiller la
maison pour retrouver le fameux Christophe.
Au bout de quelques instants, on entend des bruits de bagarre et un
"Je l'ai trouvé". Un des brigadiers, le visage tuméfié débarque
tenant d'une clé de bras un grand gaillard à l'air ailleurs. Je m'étais imaginé
un gamin et c'est un fait un bel homme d'une trentaine d'années qui se tient
devant moi. Il est lui aussi couvert de sang et répète en boucle "morte,
morte, morte" en regardant la housse où repose sa mère. Personne n'a
encore sorti le corps de là. Ils font quoi les légistes? Ils vont la laisser là
encore longtemps?
Madame Martin se précipite vers le jeune homme et le prend dans ses
bras, indifférente aux différentes sécrétions dont il est recouvert et le
rassure d'une voix douce.
— Mon
petit, tu es là. Tout va bien se passer. Ça va aller.
René se retourne vers moi, le regard noir.
— Putain, on est pas rentrés. C'est lequel qui a fait le coup bordel de merde?
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