mardi 18 avril 2017

Nouvelle : La fois de trop

Allez, encore une petite nouvelle à vous mettre sous la dent. C'est la deuxième nouvelle que j'avais écrite pour le prix du très très court. Elle m'avait moins convaincue que l'autre et je l'avais donc délaissée au profit de mon histoire de vampire.

Mais il n'y a pas de raison qu'elle reste dans un coin de mon ordi, alors la voilà!




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L’impact des gouttes sur le métal me fait frissonner. Cette femme a été battue tellement fort que son sang a été projeté jusqu'à la joli lampe design dans un coin de la pièce. "Un couple sans histoire, des piliers de la communauté", les voisins sont sous le choc.



Chaque jour, derrière cette façade de perfection se jouait un drame. Madame racontait qu'elle s'était cognée ou qu'elle était tombée. Elle insistait sur son côté Pierre Richard comme elle disait. La femme de ménage, Madame Martin commençait à se douter de quelque chose.




Madame tombait de plus en plus souvent. Alors on se disait qu'elle était malade. Vous savez j'ai entendu à la télé que quand on a des problèmes à l'oreille interne et ben on tombe. Roh la la, pauvre Madame. Elle était si gentille. Et puis Monsieur aussi. Ah oui, c'était pas des marrants c'est sûr. Elle toujours à ses bonnes œuvres. Et lui, le travail, le travail, le travail. Et puis  Monsieur était tellement prévenant, tellement gentil avec elle. Chaque soir, il revenait du travail avec une baguette de pain et deux pâtisseries. Madame n'en mangeait presque pas alors elle me donnait sa part. Et moi j'étais fière de ramener ça à la maison.



Madame Martin étouffe un sanglot.



Je regarde la forme au sol recouverte de la housse mortuaire. Ce tout petit corps que j'ai vu quelques instants. Je regarde les photos dans le petit salon cossu. Un couple normal de la bonne société. Une femme à l'air si doux et un homme à l'air tellement sérieux. Un cas classique de violence conjugale. Tout le monde tombe des nues et on se rend compte que ça dure depuis des années.



Je repense au visage de cette femme et à son corps désarticulé sur le sol. Son visage défiguré par les coups, le sang le long de son nez, mêlé aux larmes et à la morve, son tailleur de grande marque déchiré et sanguinolent.



Je revois cet homme partir les menottes aux poignets, couvert de sang, ne pouvant détacher son regard de sa femme. Ce visage totalement ravagé par les larmes et le désespoir. Cette voix forte que j'ai si souvent entendue se réduire à la voix fluette d'un petit garçon.



C'est pas moi, je vous jure, je l'ai trouvée comme ça. J'ai rien fait, c'est pas moi.

Et ouais mon gars, c'était la fois de trop. Tu l'as bien tapée ta femme et là, elle est morte. Ce soir, Monsieur le Maire a tué Madame.



Soudain Madame Martin relève la tête et s'essuie les yeux avec son mouchoir.



Il est où Christophe? Oh mon dieu, j'espère qu'il n'a pas vu sa mère comme ça.

Christophe? C'est qui ça?



René, mon collègue a envie de partir, ça se sent. Il est déjà près de la porte, prêt à rentrer chez lui. A quelques mois de la retraite, il n'a plus envie de s'embêter. Une affaire facile, un coupable tout désigné et hop, on a plus que la paperasse à régler et on sera tranquilles. Alors je sens bien qu'il ne voit pas d'un très bon œil l'arrivée d'un nouveau protagoniste dans cette histoire.



Christophe, c'est le fils de Monsieur et Madame. Il est un peu simplet. Enfin... Vous voyez quoi. Il a pas la lumière à tous les étages. Il passe ses journées avec Madame et parfois je reste avec lui quand elle sort. Il est gentil, c'est un bon gamin mais il faut savoir le prendre. Il a le QI d'un gamin de 5 ans alors il faut être doux avec lui. Je ne sais pas ce qu'il va devenir si Monsieur va en prison.



René s'énerve. C'est pas maintenant qu'il va rentrer, il le sent. Même si je débute et qu'il est un vieux briscard, on a quelque chose en commun qui fait de nous de bons flics : l'instinct. Et notre instinct nous dit que l'histoire ne sera pas si simple. On demande à quelques hommes de fouiller la maison pour retrouver le fameux Christophe.



Au bout de quelques instants, on entend des bruits de bagarre et un "Je l'ai trouvé". Un des brigadiers, le visage tuméfié débarque tenant d'une clé de bras un grand gaillard à l'air ailleurs. Je m'étais imaginé un gamin et c'est un fait un bel homme d'une trentaine d'années qui se tient devant moi. Il est lui aussi couvert de sang et répète en boucle "morte, morte, morte" en regardant la housse où repose sa mère. Personne n'a encore sorti le corps de là. Ils font quoi les légistes? Ils vont la laisser là encore longtemps?



Madame Martin se précipite vers le jeune homme et le prend dans ses bras, indifférente aux différentes sécrétions dont il est recouvert et le rassure d'une voix douce.



Mon petit, tu es là. Tout va bien se passer. Ça va aller.



René se retourne vers moi, le regard noir.



Putain, on est pas rentrés. C'est lequel qui a fait le coup bordel de merde?

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